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Contrôle fiscal en matière d'indices de fraude

Contrôle fiscal en matière d’ « indices de fraude » et recours à un Huissier de Justice, parfois l’ultime recours face à une Administration de plus en plus omnipotente ?

 

  1. Sommaire

 

Par deux jugements du 4 septembre 2023, le Tribunal de première instance du Hainaut, division Mons annule une notification d’indices de fraude et deux notifications en enquête bancaire à l’encontre d’une société et de son dirigeant.

Le Tribunal se fonde sur l’aveu-extra-judiciaire de l’Administration, devant Huissier de Justice, selon lequel les indices de fraude ne sont pas suffisamment sérieux et sur l’absence de demande de renseignements valablement envoyée.

 

  1. Aveu extra-judiciaire du fisc

 

La notification d’indices de fraude vise à permettre à l’Administration d’étendre les délais d’investigation et constitue un passage obligé pour imposer le contribuable dans un délai prolongé.

La notification en enquête bancaire vise à permettre au fisc d’avoir accès aux informations bancaires belges du contribuable.

En l’espèce, ces deux notifications – adressées au dirigeant personne physique – se fondent sur les mêmes indices.

Pour être valable ces « indices » doivent être sérieux et précis.

En l’espèce, la liste des indices est formulée comme suit : « Vente d’immeuble non déclarée, Avantages en nature non déclarés, Frais ne répondant pas au caractère professionnel, prise en charge de frais incombant aux locataires, (…) ».

Le Tribunal considère que cette formulation est « vague, générale et ne permet pas d’identifier les éléments matériels et concrets à vérifier ».

Il constate ensuite que, lors d’un contrôle fiscal au cours duquel un Huissier de Justice était intervenu à la demande du contribuable, l’Administration avait indiqué que « les indices de fraude peuvent être retirés en fonction de la suite du contrôle, de ce que [l’Administration] découvre ou ne découvre pas ».

Le Tribunal en conclu alors que « l’agent taxateur reconnait et fait l’aveu que les ‘anomalies’ énoncées (…) ne sont donc pas constitutives d’indices de fraude établis de manière certaine ». 

La notification d’indices de fraude et la notification en enquête bancaire adressées au dirigeant personne physique sont donc annulées.

 

  1. Absence de demande de renseignements valable

 

La deuxième notification en enquête bancaire vise la société et se fonde substantiellement sur les mêmes indices de fraude notifiées au dirigeant personne physique.

Dans ce contexte, le Tribunal n’examine pas le moyen relatif à l’absence d’indices de fraude et l’aveu-extra-judiciaire précité. Le Tribunal se penche, en effet, sur le premier moyen invoqué par le contribuable : ce dernier n’a pas valablement reçu de demande de renseignements.

La levée (de ce qu’il reste) du secret bancaire en Belgique nécessite, en effet, la réunion de deux conditions (i) une demande de renseignements de la part du fisc, (ii) et l’existence d’au moins un indice de fraude (ou des signes d’aisance supérieures).

En l’espèce, l’Administration avait demandé de nombreux renseignements au contribuable, médecin urgentiste, en pleine pandémie du COVID-19.  

Elle avait ensuite reconnu, par écrit, la « surcharge de travail » importante qu’elle imposait au contribuable et avait proposé de convenir d’un rendez-vous au siège de la société avec le comptable de la société. Malgré la relance du contribuable pour fixer ce rendez-vous, le fisc n’avait plus donné signe de vie. 

L’Administration avait alors fini par envoyer, disait-elle, des demandes de renseignements au dirigeant et à la société. Elle avait ensuite envoyé une notification en enquête bancaire à la société. 

Au stade judiciaire, le fisc avait alors reconnu dans ses conclusions et après avoir changé son fusil d’épaule, que les premiers courriers « ont bien été préparés mais finalement n’ont pas été envoyés ». L’Administration affirmait ensuite avoir bien envoyé d’autre(s) demande(s) de renseignement(s) par pli simple, sans pour autant le démontrer, ce que contestait le contribuable. 

Le Tribunal considère ces arguments de « nébuleux » et conclu qu’« il est pour le moins douteux qu’alors que les demandes de renseignements adressées au [dirigeant] soient finalement retirées, celle destinée à la société soit quant à elle bien envoyée », et qu’en outre, s’agissant du rendez-vous manqué, le fisc avait failli à son devoir de loyauté et avait rompu la confiance légitime du contribuable. 

Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal annule en conséquence la notification en enquête bancaire, à défaut pour l’Administration d’avoir permis au contribuable de répondre spontanément et sur base volontaire à une quelconque demande de renseignements valablement adressée.

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